Si 2014 est l’année de la très médiatisée « Journée de Retrait des Enfants” (JRE), 2010 a bien failli être marquée sous le sceau des JRB, les “Journées de Retrait Bancaire”, sous l’impulsion d’un rebelle, porte-drapeau du panache à la Française, en la personne d’Éric Cantona, ex-star internationale de Football, reconverti depuis dans le cinéma d’auteur et le Beach Soccer.
Elles ont tremblées les banques, toutes ont retenu leur souffle, lors de ce qui promettait de devenir le plus grand Run on the Bank* de l’histoire française contemporaine.
Retour sur la journée du 7 décembre 2010 qui aurait pu marquer l’Histoire avec un grand H, l’histoire de lumi… (oups) et qui au final, aura fait Pschitt, non sans avoir des conséquences sur le long terme.
Un peu moins dramatique et un peu moins sexy que l’approche à la Fight Club, mais elle parfaitement légale, l’idée instillée par Éric Cantona vise tout autant à provoquer l’effondrement du système bancaire, perçu comme central dans la crise systémique actuelle, en générant une crise de liquidités par un retrait massif des fonds placés par tout un chacun auprès de sa banque.
L’histoire de la Panique Bancaire remonte à la Grande dépression des années 30 et 40 aux États-Unis. Où la crise de confiance dans le système bancaire, suite au Jeudi Noir du 29 octobre 1929, avait poussé toute une population à retirer ses économies des banques, à une époque où, ironiquement, le dollar valait pourtant encore quelque chose.
Nous n’entrerons pas dans les détails et laisserons le soin à nos lecteurs de parcourir le ouaibe sur un sujet aussi vaste que d’actualité.
Revenons donc sur le jour du 7 décembre de l’an 2010, où les banques ont tremblé mais ne se sont pas effondrées. Si les grands médias avaient tourné l’idée de l’ex-champion du Manchester United en dérision, les banques, elles, avaient discrètement imposé des maxima de retrait en espèces par jour et par personne. Au cas où des citoyens farfelus, auto-proclamés Robin des Bois des temps modernes, ne décident réellement de faire plus confiance à leur matelas qu’aux augustes institutions financières héritées de la Venise Antique, point de départ historique de la révolution bancaire.
Canto avait fait trembler sous ses coups de boutoir médiatiques jusqu’à Mme Lagarde, ministre de l’Économie d’alors (actuelle patronne du FMI) et M. Baudoin Prot, président de BNP Paribas. Ces derniers avaient jugé bon d’intervenir pour désamorcer ce qui pouvait aboutir à la chute du système bancaire et à son éventuelle reconstruction sur des bases plus éthiques et souveraines. Ce qui était l’objectif déclaré de la démarche.
Si le concept est d’une simplicité évangélique : aller à la banque, retirer son argent et passer par Brico pour acheter une pelle ou un coffre fort selon ses moyens. Sa concrétisation semble avoir échouée, alors que nombre de sympathisants d’Éric avaient pourtant affirmé vouloir passer à l’acte, et qu’un nombre assez réduits de participants aurait suffit pour générer un effet dévastateur grâce aux système des réserves fragmentaires.
Avec le recul, Éric nous confie sa vision du “non-évènement”, tel qu’il fût qualifié par la Fédération Nationale du Crédit Agricole :
« Ça a foiré, ça a foiré… On y a tous cru à un moment et ça a été des moments forts, des moments forts. Mais en fait, tous ceux qui sont passé à l’acte, qui ont pris leur bagnole ou leur vélo pour aller vider leur compte, et bien, pour beaucoup, il s’agissait de gens qui n’avaient de toutes façons pas un rond, voire même, comme on me l’a raconté, des gens qui, en voulant retirer leur argent, se sont rendus compte qu’ils étaient à découvert… Alors effectivement, sur cette base là… Y avait pas beaucoup de chances que ça réussisse! Mais néanmoins, néanmoins, ça aura eu le mérite de faire prendre conscience aux gens du pouvoir qu’ils ont, et de la faiblesse inhérente dans laquelle se trouvent les banques par rapport aux citoyens, alors que beaucoup pensent que c’est le contraire. Et d’ailleurs, depuis, certaines banques n’ont toujours pas retiré leur plafond de retrait journalier et refusent même de remettre des liquidités à leurs clients sans justification poussée de leur part, signe que, quand même, elles ont eu chaud au c…!«
On se demande ce qui aurait pu se passer ce mardi 7 décembre 2010, alors que le serpent de la crise financière rampait de pays en pays, encerclant l’Europe de faillites plus ou moins contrôlées dans une Union qu’on nous promettait naguère, forte et prospère. Peut-être que le « King Éric » aurait pu devenir le Roi Midas et tout transformer en or, en redonnant au citoyen sa souveraineté financière.
Laissons à Monsieur Cantona le mot de la fin : « M’enfin bon les gars, ce qui était vrai en 2010, l’est encore plus aujourd’hui. On attend quoi là??? »
Marseille, Juste Lesein.
* Panique Bancaire ou Course au Dépôt en français.